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Piste cyclable de Lille Couverture : © La Voix du Nord

En roue libre ? Lille investit, mais les pédales peinent à tourner

Avec 100 millions d’euros investis sur la période 2020-2026 et plus de 100 km d’aménagements dédiés, la Métropole Européenne de Lille (MEL) affiche ses ambitions : faire du vélo un pilier de la mobilité urbaine. Inspirée par les grandes capitales cyclables européennes, la capitale des Flandres a encore beaucoup de chemin à parcourir pour inciter ses habitants à adopter une mobilité plus verte et plus durable. La société française est-elle prête à changer de vitesse ?

4 Cantons – Grand Stade, il est 17h. En contrebas du stade Pierre Mauroy, le périphérique lillois est encombré, surchargé. Les voitures roulent au pas. Après quelques bouchons en accordéon, les conducteurs mal lunés s’impatientent et se mettent à pester. À chaque rond-point ou presque, les klaxons retentissent à l’unisson. À quelques pas de là, une piste cyclable vient à peine d’être aménagée. Elle relie Villeneuve-d’Ascq à des villes plus éloignées de la périphérie lilloise, comme Sainghin-en-Mélantois. Une véritable alternative pour laisser sa voiture au garage, mais ici, les cyclistes se comptent sur les doigts d’une main. Pourtant, la pratique du vélo est bénéfique en tout point. Elle préserve à la fois notre santé, notre planète mais aussi notre portefeuille. Malgré les investissements considérables de la collectivité, les infrastructures sont-elles utilisées à leur juste valeur ?

Piste cyclable de Sainghin-en-Mélantois. Couverture : © Amar KHITER

Le vélo ?  Pas dans nos plans au quotidien  

Le constat est clair : plus d’un Français sur deux possède un vélo mais seulement 3% d’entre eux réalisent des trajets quotidiens à deux-roues. Du côté de la capitale, c’est un peu plus encourageant avec 11% des déplacements journaliers. Même si les pistes se démocratisent dans l’Hexagone, elles sont en réalité un enfer pour les cyclistes. Un parcours semé d’embûches, avec des va-et-vient d’un côté à l’autre de la chaussée. De plus, il n’est pas rare que certaines d’entre elles s’arrêtent sans raison apparente, avant de déverser les cyclistes une nouvelle fois sur la route. Et encore, c’est sans compter les refus de priorité des usagers de la route, les voitures stationnées dessus ou de leur mauvais entretien. Entre trous, feuilles, graviers, c’est difficilement acceptable en termes de sécurité. En ville, les pistes sont écrasées par l’hégémonie de la circulation automobile qui représente en France plus de 80% de l’espace public. Ces tendances montrent clairement que, dans notre société, la voiture reste la solution de facilité. Et quoi qu’on en dise, le temps lillois n’arrange rien… Le vélo est bien loin d’être une option dans nos emplois du temps et semble désormais avoir disparu de notre quotidien.

 

Pourtant, il suffit de traverser les frontières de notre pays, pour s’apercevoir que la situation est radicalement différente chez nos voisins européens, notamment aux Pays-Bas ou au Danemark. Après avoir été sévèrement touchés par le choc pétrolier dans les années 1970, le vélo est devenu pour les Danois un véritable symbole de liberté et d’indépendance. 40 ans après, il y a même plus de vélos que de voitures sur tout le territoire. Un bilan séduisant puisque plus d’un déplacement sur deux dans la capitale danoise, Copenhague, est réalisé à vélo. À Amsterdam c’est tout aussi positif avec 35%. Véritables terres de vélo, ce n’est pas un hasard si ces pays ont tous les deux accueilli récemment, le grand départ du Tour de France. 

S’inspirer des capitales cyclables européennes 

En plus de favoriser l’aménagement de pistes, les Danois ont souhaité faire les choses de manière réfléchie. Des urbanistes, comme Mikael Colville-Andersen (fondateur et directeur de Copenhagenize Design Company) ont mené des études pour créer des infrastructures dédiées, adaptées et plus accessibles pour favoriser la pratique. Résultats : leurs pistes sont larges, unidirectionnelles et continues. L’équation est simple, moins d’interruption et de détours, ce qui signifie une réduction des conflits et des accidents avec les autres usagers de la route. Supprimer des voies de circulation est aussi un moyen plus efficace pour dissuader les conducteurs et favoriser une “évaporation” du trafic. 

Au-delà des aspects purement techniques des infrastructures, c’est aussi un changement culturel qu’il faudrait amorcer. Tant que le vélo ne fera pas partie de nos habitudes, rien ne changera. Dans un premier temps, il est essentiel de sensibiliser aussi bien les jeunes Français que les conducteurs, à l’idée que la route se partage. Par ailleurs, cette pédagogie doit être accompagnée d’une plus grande fermeté dans l’application des règles, pour garantir la sécurité des usagers les plus vulnérables. En Belgique par exemple, les pistes cyclables sont obligatoires, avec des sanctions contre les automobilistes beaucoup plus sévères. Un choix de société s’impose donc, pour évoluer vers une mobilité plus douce et plus responsable.

Sidney Cruveiller

Journaliste sportif en devenir | Co-fondateur de "Les Bros du Vélo" | Passionné de cyclisme

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